Le cri apprivoisé du lycanthrope réveille les oreilles sensibles à la douceur du soir venu. Quand la rue est redevenue calme c’est là que le spleen du 13e abruti fait son retour. L’homme loup ouvre les yeux et entend la sourde élégie de la vieille dame qui lui rappelle que le temps de sa fenêtre semble bien plus clément que le sien.

Le temps est un drôle d’endroit, c’est un peu comme une chambre vide du présent où des vestiges de l’adolescence trônent crânement et les souvenirs poussent aussi vite que le printemps. À califourchon sur la route des projections, l’homme loup, dans sa bulle, se plaît à imaginer le monde. Un monde naïf rempli de papillons bleus et de fleur roses car l’homme loup est fleur bleue.

Il a bien des griffes mais elles ne lui servent qu’à gratter le fard de ses contemporains les chimpanzés savants. Il aimerait bien parfois devenir un chimpanzé pour le plaisir de descendre de l’arbre et ainsi étancher sa curiosité, explorer le monde total. Voila, aussi étonnant soit-il, l’homme loup est un peureux, c’est un discret.

La discrétion c’est l’essence même de l’être sauvage. Ne pas se faire remarquer c’est gage d’une solitude ensoleillée. L’avantage de l’être sauvage c’est qu’il se suffit à lui-même. L’homme loup ne s’ennuie jamais car ses activités ne sont ni sociales, ni culturelles contrairement aux chimpanzés savants. Ces derniers se meurent dès que leur vie sociale s’arrête. Malgré tout, les chimpanzés sont au yeux de l’homme loup, des êtres fascinants et de toute beauté.

Le lycanthrope observe, jours et nuits, les agissements de ces drôles de singe. Jamais il ne deviendra un perroquet, mais il lui arrive de se prendre pour un singe, c’est fatiguant mais agréable tout de même. Il enfile même un pantalon et se tient droit comme un i majuscule. Il préfère quand même redevenir une phrase averbale et continuer son travail d’observation du haut de sa tanière. Celle-ci est un havre de paix nécessaire pour ensuite réitérer la métamorphose.